Le Touriste Romantique

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Translation by: Julia Moore

Le Grand Touriste du dix-huitième, tout du moins celui d’avant que le jeune William Beckford n’ait publié le compte-rendu de son tour du continent de 1780 à 1781, Voyage d’un rêveur éveillé de Londres à Venise et de Venise à Naples (1783), cherchait typiquement à collectionner les rencontres avec les personnes célèbres de Paris et Genève (les visites de James Boswell à Rousseau et Voltaire en 1764 en témoignent, par exemple). Rencontres espérées, aussi, avec les aristocrates de Paris et autres courtisanes de Venise. Par la suite, sa découverte des antiquités Romaines s’expliquait par son désir de développer ses goûts de gentilhomme, en premier lieu (à la manière de Goethe dans son rapport de voyage, Italienische Reise), mais aussi par son besoin de décorer ses hectares campagnards (à la manière, peut-être, de la collection que Charles Townley élabora dès 1765). Quant aux paysages sublimes, ils étaient pour Beckford et peu profitables et inconfortables au possible: on retrouve ici un écho du malheureux Thomas Gray, qui, de sa traversée alpine avec Horace Walpole en novembre 1739, retenait surtout le triste destin de son espagneul, Troy, dévoré par des loups.

Le Touriste Romantique était une tout autre paire de manches. Le tourisme Romantique depuis la Grande Bretagne pour atteindre le continent est balisé d’une part par le voyage à pied de William Wordsworth, au zénith de La Terreur en 1793, et d’autre par la tentative ratée d’accèder à l’Italie de Samuel Rogers, en 1814, persuadé que Napoléon était vaincu. Entre ces deux points, les nantis apprirent l’art du tour de la Grande Bretagne, à la recherche de ce que l’on appellerait aujourd’hui des expériences Romantiques: se procurer des vues dignes d’un paysage ‘sublime’, de préférence parsemé de tous les accessoires que sont les ruines, ou encore les échos historiques. Mieux encore: l’envol imaginatif décerné par un livre. Des touristes bien entraînés de la sorte allaient exporter ces habitudes vers leurs voyages dans l’Europe post-Napoléonienne.

Cette collection est conçue pour illustrer certains aspects du tourisme Romantique. Elle se répartit en trois parties inégales. La première se compose d’esquisses de la variété d’expériences touristiques possibles en Grande-Bretagne: la sublime Cave de Fingal (élément 1), la romance de la «Galerie d’Ossian» (2), les ruines de l’Abbaye de Tintern au clair de lune (3), et les plaisirs de monter en montagne détaillés dans le Guide to the Lakes (4) [Guide de la région des Lacs] Wordsworthien. La deuxième, d’une sélection d’expériences Romantiques symptomatiques de l’exploration continentale: sympathie pour l’exil de Rousseau sur l’île St Pierre, (5) pensées mélancoliques devant le «Tombeau de Narcissa» (6), horreur sublime face au Vésuve (7). La troisième, quant à elle, s’intéresse aux avides touristes Européens que sont les écrivains Romantiques: de l’autographe supposé de Byron au Château de Chillon (8) à la Boîte de voyage de l’auteur Hongrois Janos Erdélyi (9). Ensemble, ces exemples illustrent l’émergence d’un nouvel itinéraire touristique Européen, caractérisé par les sensibilités et priorités Romantiques.